L’exposition de Marc Le Rest, artiste résidant en Bretagne, consiste en la présentation de approximativement 400 dessins, des collages et peintures de petit format. Toutes ces productions n’ont pas, a priori, été réalisées pour être présentées comme œuvres indépendantes. Elles servent habituellement d’éléments constitutifs à la création d’images de format plus important. Il ne s’agit donc pas d’études préliminaires à des tableaux, mais plutôt d’images modulaires qui participent à l’élaboration d’un assemblage pictural. Assemblages qui ont été conçu initialement pour être publiés sous la forme de livres. De la même façon, ils n’ont pas été utilisés comme illustrations d’un texte : ils se posent comme la base architecturale d’une narration.
On peut s’interroger sur le fait qu’un centre d’art ne présente pas des œuvres finies mais uniquement des fragments. L’observation de ces travaux rend la raison évidente : l’exposition est organisée autour de chapitres thématiques tournant autour de la représentation de différents sujets : corps humains, vêtements, intérieurs, architecture, nature. Chaque chapitre se divise en plusieurs sous-catégories : mains, visages, coiffures, couvre-chefs, accessoires, chaussures, costumes féminins et masculins, chaises, lampes, animaux, paysages, nourritures, etc. Au sein de chaque catégorie, on distingue des séries représentant différents styles, différentes périodes de travail, différentes techniques mais aussi différents systèmes de références. Formellement, aussi bien en terme de contenus empruntés à l’histoire de l’art, à l’art populaire ou à la culture contemporaine du quotidien, aux clichés, aux traditions locales et régionales, les possibilités artistiques d’appropriation et de transformation sont inscrites dans le travail de Marc Le Rest.
L’exposition présente une archive de forme fragmentaire, et analogiquement à cette méthode consistant à séparer puis rassembler des formes, les constructions narratives, les contenus et ses déclinaisons sont soumis à cette même fragmentation. Par le biais de ces petites unités de représentations articulées comme des éléments modulaires, Marc Le Rest construit sa vision spécifique de la vie quotidienne et de l’identité bretonne, située quelque part entre le réel, le fictionnel et l’imaginaire.
Son regard subjectif de la culture et de l’identité locale s’appuient sur des lectures à plusieurs niveaux, comme une sorte de narration multi-couches. Ces études ont été manipulées et transformées. Cette approche induit, par exemple, que les apparats bretons adoptent des formes spécifiques : l’origine des costumes est toujours identifiable, mais à travers des tissus strictement pliés, et façonnés, ou drapés de telle manière que le temps y laisse le témoignage figé de son passage. Ils deviennent à la fois des extensions géométriques et organiques du corps, voire même des substituts de celui-ci. Ces principes de constructions sont visibles également dans la formulation des architectures, dont les toits pourraient faire office de jupes, de coiffures ou de coiffes. Le terreau de la culture locale est souvent traitée avec une ironie bienveillante (mélange de sympathie et d’affiliation). Les clichés et stéréotypes de comportements et des codes sociaux, le sens des traditions, des mythes, sont perçus dans la perspective de ce que l’identité, dans un monde globalisé, peut ou pourrait être.
Autant Marc Le Rest construit la narration, dite grâce à un fond modulaire d’images, autant il esquisse une identité imaginaire contemporaine basée sur une « façon de vivre » bretonne, qui n’est pas uniquement une attraction exotique pour touristes, mais également une part véritable de la vie et de la culture locale. Dans son travail, il combine la connaissance profonde d’un initié et la vision distanciée d’un observateur extérieur pour qui l’identité culturelle pourrait, en réponse aux conditions de la vie moderne, ne pas nécessairement correspondre aux concepts pré-établis de l’identité traditionnelle.
Ce qui est présenté dans cette exposition est en fait un travail iconographique de fond. En cela, le format d’une exposition dans un centre d’art représente à la fois la forme et le lieu approprié pour le décryptage d’un travail de ce type, permettant d’aborder son statut d’oeuvre achevée / inachevée, associée à sa fonction d’archivage. Parce que l’intérêt d’un centre d’art consiste aussi à donner une visibilité à la pensée artistique, aux méthodes, aux façons de travailler et aux processus de production.