Habitée par les formes et occurrences du récit dans les sphères littéraires et cinématographiques, l’approche de Laëtitia Badaut Haussmann met en jeu les notions d’apparition et de réminiscence, d’amnésie, de nœud narratif, de dérive, d’appropriation, d’effacement et de recouvrement. L’exposition L’Influence de Neptune se construit à l’image du reste de son travail. Elle se veut à la fois l’exploration, l’amorce et la poursuite du récit situé.
Au départ, il y a un séjour dans la ville du Ponant au cours duquel Laëtitia Badaut Haussmann descend à l’hôtel Vauban. La décoration de ce lieu mythique de la cité reconstruite compile les stigmates des décennies passées. Témoin stratifié du passage du temps, l’établissement devient, pour l’artiste, espace de projection mentale et sphère d’errance nocturne pour un personnage fictif. Elle met ainsi en scène, en huis clos, un homme, littéralement obsédé par deux œuvres majeurs du XXe siècle – Querelle de Brest de Jean Genet et Querelle de Rainer W. Fassbinder, qui utilise ses héros référentiels comme matériaux à potentiel visuel pour pallier son insomnie.
Et l’exposition L’influence de Neptune de s’articuler autour de ce film éponyme. L’espace du centre d’art se donne à voir agencé avec les attributs d’un intérieur moderniste qui se confrontent à son architecture résolument industrielle dans une semi obscurité où la nuit, le rêve et le désir sont omniprésents. Ainsi, l’exposition est elle introduite par une Chose annexe. C’est le titre de cet étrange élément en pot, aux atours de racine mais aussi, pourquoi pas, de rocher, de champignon ou de pied d’éléphant. Écho végétal à la littérature organique de Genêt, cette Chose annexe s’invente primordial préambule d’un parcours dans lequel s’entremêlent formes produites ou empruntées. S’y conjuguent les vocabulaires du cinéma, de la narration, du design ou de la littérature pour construire une atmosphère certes référencée mais jamais réellement donnée ni déterminée. La référence, en effet, n’est ni cachée ni nommée. Elle constitue un outil de lecture de l’espace et de la narration mais en rien une clef.
Dans le déploiement de formes pensé par l’artiste, les frontières se brouillent entre œuvres, citations directes et éléments scénographiques. Univers à part résolument citationniste, l’exposition est aussi bien compilation, digestion et superposition de références dans une permanente ambivalence intellectuelle entre célébration et interprétation. Ainsi, des paravents de verre, Les Ecrans, teintés de dégradés de couleur viennent à la fois diviser l’espace et agir en prisme à travers lequel découvrir un bouquet de luminaires de Joe Colombo, Hans Hollein, Ettore Sottsass ou encore Franz West, monuments fonctionnalistes symptomatiques de la seconde moitié du XXème siècle. Ces créations de collection cohabitent avec trois assises vêtues de carrelage. Librement inspirées des daybed de Charlotte Perriand ou d’Eileen Grey, elles agissent elles aussi en pièces sculpturales et structurantes autant qu’en mobiliers d’exposition à partir desquels observer ce qui s’y joue. On s’y assoie pour regarder le film, bien sûr, mais aussi une surprenante sculpture de tissu torsadé au repos sur tréteaux sous la verrière latérale de l’espace. À l’instar de la Chose annexe, cette d/D surligne la tension narrative qui construit l’exposition. Sous les auspices (et l’influence) de la planète la plus éloignée de l’astre du jour, la forme architecturée de la tresse autant que sa précaire tenue assènent la complexité ouverte de la proposition de Laëtitia Badaut Haussmann.
Le film « L’influence de Neptune » a bénéficié du soutien de la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques, Paris.
En collaboration avec l’hôtel Vauban, Brest et CLIP, association des étudiants de la formation Image & Son Brest de l’UBO.